LIBERTE 62 - DOSSIER SPÉCIAL TRAITÉ MODIFICATIF EUROPÉEN 1

Publié le par Liberté 62

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Liberté 62 n°786 - Le 7 Décembre 2007 - 10 – Dossier spécial traité européen modificatif A

De la constitution Giscard au traité Sarkozy

 

ON ne trouvera pas ici une publication accompagnée d’un commentaire linéaire de l’ensemble du traité modificatif, comme nous l’avions fait pour le projet de traité constitutionnel européen (TCE) en 2004, mais une présentation montrant, sur des points essentiels qui ont motivé la campagne pour le rejet du TCE au référendum du 29 mai 2005, la nouvelle rédaction proposée par le traité européen comparée à celle de la défunte constitution. Ce mode de traitement différent s’explique par l’architecture très dissemblable des deux textes.

Si le TCE se présentait comme un texte achevé, très structuré, car appelé à se substituer tel quel à tous les traités antérieurs, il n’en va pas de même pour le nouveau traité. En fait de «simplification » prétendue du projet, le document s’avère être une compilation d’amendements apportés aux traités en vigueur (le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, qui devient le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), contraignant le lecteur à un fastidieux jeu de pistes avec des modifications d’articles renvoyant elles-mêmes à d’autres articles, etc., rendant impraticable tout débat citoyen. C’était sans doute l’un des objectifs des rédacteurs du traité de camoufler à l’opinion le contenu du texte et, de ce point de vue, il est réussi.

La seule manière de permettre à chacun de juger sur pièces le projet proposé était donc de reconstituer le puzzle en reproduisant la rédaction qui sera issue de l’amendement des traités actuels. Cette méthode présente l’avantage de comparer terme à terme cette version avec celle du TCE désavouée par les Français, au travers des modifications apportées, mais aussi dans ce que la constitution reprenait tel quel des traités en vigueur et que, bien qu’ayant fait l’objet de nombreuses critiques, le nouveau traité reconduit sans retouche. C’est par exemple le cas de la fameuse «concurrence libre et non faussée» où le traité modificatif passe sous silence la reprise de plusieurs dispositions maintenant son existence dans les traités.

 

La loi de la concurrence prime tout le reste

 

LE 23 juin 2007, Nicolas Sarkozy, au sortir du Conseil européen de Bruxelles, se vantait d’avoir obtenu de haute lutte l’abandon, dans le projet de traité «simplifié» de la référence au «marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée qui figurait à l’article 3 du traité constitutionnel européen (TCE), rejeté par les Français. Ce retrait, à cet endroit du texte, d’une formule confirmant l’orientation libérale, n’avait guère ému les chefs d’État et de gouvernement, qui avaient souscrit de bonne grâce à l’opération de communication, à usage interne, du nouveau chef de l’État. Mais la ficelle est vraiment trop grosse. Le tour de passe-passe apparaît à la lecture d’un projet aux allures de labyrinthe. C’est la technique du couper-coller. La concurrence disparaît de l’article 3 du traité sur l’Union européenne pour réapparaître dans un «protocole » interprétant précisément… l’article 3 et précisant que l’UE, le cas échéant, doit prendre des mesures pour faire respecter ce dogme. L’établissement des règles de concurrence demeure la chasse gardée exclusive de la Commission européenne. Il n’y a rien de changé dans les sanctions encourues par les États qui voudraient aider un secteur économique menacé. L’harmonisation des législations fiscales relatives notamment aux taxes sur le chiffre d’affaires, qui permettrait de lutter contre le dumping fiscal et social, demeure impossible, puisque soumise à l’unanimité, contrairement à la plupart des autres dossiers, pour lesquels est requise la majorité qualifiée. Pour le reste, la libre concurrence reste la balise principale, dont le respect conditionne toutes les politiques sociales, dans les termes identiques à ceux du projet Giscard. Le président de la convention qui rédigea le TCE est vraiment fondé à observer que «tous les outils sont dans la boîte».

 

 

 

CE QUE LES FRANÇAIS ONT REJETÉ

 

TCE article I-3 (2ealinéa) «L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.»

 

TCE article I-13 «L’Union dispose d’une compétence exclusive dans […] l’établissement des règles de concurrence nécessaire au fonctionnement du marché intérieur.»

 

TCE article III 167 «Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres les aides accordées par les États membres ou aux moyens de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

 

TCE article III-168 (2ealinéa) «Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article III-167, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans un délai qu’elle détermine. Si l’État membre ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État membre intéressé peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne. »

 

 

 

 

CE QUE DIT LE TRAITÉ MODIFIÉ

 

Article 3 (2e alinéa) (traité sur l’Union européenne) «L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile d’immigration ainsi que de la prévention de la criminalité et de la lutte contre ce phénomène.»

 

Protocole nº 6 sur le marché intérieur et la concurrence «Compte tenu du fait que le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article I-3 du traité de l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence est non faussée, […] l’Union prend si nécessaire des mesures dans le cadre des dispositions des traités, notamment dans l’article 308 du traité sur le fonctionnement de l’Union.»

 

Article 308 (traité sur le fonctionnement de l’UE) «Si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées…»

 

Article 3 (traité sur le fonctionnement de l’UE) «L’Union dispose d’une compétence exclusive dans […] l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur.»

 

Article 87 «Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

 

Article 88 «Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans un délai qu’elle détermine. Si l’État membre ne se conforme pas à cette décision dans un délai imparti, la Commission ou tout autre État membre intéressé peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne.»

 

Article 93 «Le Conseil statuant à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête les dispositions touchant à l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d, aux droits d’accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et pour éviter les distorsions de concurrence.»

 

Article 96 «Au cas où la Commission constate qu’une disparité existant entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres fausse les conditions de concurrence sur le marché intérieur et provoque, de fait, une distorsion qui doit être éliminée, elle entre en consultation avec les États membres intéressés.»

 

 

Publié dans Evénement

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