UNE POLITIQUE DE TOUTES LES PEURS

Publié le par Liberté 62

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Liberté 62 n°791 - Le 11 Janvier 2008- 3 -
Politique

JACKY HÉNIN, DÉPUTÉ AU PARLEMENT EUROPÉEN, MAIRE DE CALAIS

Une présidence européenne de toutes les peurs

Les grandes lignes de la politique européenne que Nicolas Sarkozy souhaite impulser sous la présidence française de l’Union européenne (UE) sont déjà connues. “Nicolas Sarkozy veut ravir à la Grande- Bretagne le rôle de premier valet de pied des États-Unis dans l’Alliance atlantique.”

OUTRE la volonté d’aboutir à n’importe quel prix à une ratification du nouveau traité européen par tous les états membres de l’UE avant 2009, elles s’articulent autour de cinq grandes priorités ; une politique européenne commune de l’énergie et de lutte contre le changement climatique :

La coordination des politiques européennes de l’immigration ;

Le renforcement de la politique de défense ;

La préparation de la réforme de la politique agricole commune (PAC) ;

L’Union Méditerranée-Europe.

Ces cinq grandes priorités s’organisent autour de la ligne directrice forte de construire une «Europe protection ». Ce concept d’«Europe protection» intègre toutes les ambiguïtés qui ont fait la fortune électorale lors de la présidentielle. D’un côté Nicolas Sarkozy prend acte avec réalisme que l’Europe telle qu’elle s’est bâtie jusqu’ici non seulement ne protège pas les citoyens des conséquences de la globalisation financière, mais en plus est synonyme de casse de leurs protections sociales, de démantèlement de leurs services publics, de destruction et de délocalisation de leurs emplois, de mise en concurrence des peuples.

Nicolas Sarkozy surfe sur l’aspiration légitime de chacun à la sécurité sociale, mais dans les faits il ne va oeuvrer que pour une «Europe forteresse et sécuritaire», qui mettra jamais en cause, autrement qu’en paroles, la libre circulation des capitaux, la liberté de délocaliser et le statut de la Banque centrale européenne (BCE). Malgré des déclarations de façade sur les services publics, sur la défense de l’emploi industriel et sur la nécessité d’infléchir la politique monétaire de la BCE, Nicolas Sarkozy n’a nullement le désir d’affronter sérieusement ses amis sociaux-libéraux ou libéraux européens, ni même la Commission européenne ou le directoire de la BCE. En revanche, il aura joué de toutes les peurs — peur de la pression démographique des pays pauvres, peur du terrorisme, peur des catastrophes climatiques, peur de la pénurie d’énergie, peur de la prolifération des armes nucléaires — pour imposer une Europe fermée, de régression sociale, assujettie aux Etats-Unis.

Ainsi, l’un des objectifs de la présidence française est d’établir un rapport entièrement fusionnel entre la politique de défense de l’UE et l’OTAN, sur la base d’une confusion extrêmement dangereuse pour les libertés publiques, entre menaces intérieures et extérieures. Cela passe par un retour programmé de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Certes, Nicolas Sarkozy agite l’épouvantail de l’Europe puissante, mais ce n’est qu’un moyen de pression auprès des Etats-Unis pour ravir à la Grande-Bretagne le rôle de premier valet de pied des Etats-Unis dans l’Alliance atlantique. Une telle politique de défense de l’UE serait lourde de danger pour la paix du monde. Elle relancerait la course aux armements avec les pays à l’est et au sud de l’Europe.

C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire de lutter pour une Europe de la défense, indépendante des Etats-Unis et de l’OTAN, une Europe libérée des bases antimissiles américaines et des stations d’espionnage Échelon, une Europe fondant sa protection sur des relations de sécurité collective avec ses voisins. Plutôt que de construire, sous couvert d’«Europe protection», une «Europe forteresse» prisonnière de toutes les peurs, une présidence française de l’UE utile aux peuples aurait le devoir d’impulser une véritable politique industrielle créatrice d’emplois, de définir une nouvelle PAC répondant à la révolution alimentaire planétaire née de la demande croissante des pays émergeants, de mettre en place une coopération énergétique intra-européenne, et de sortir le continent du transport tout-routier en prenant toutes les mesures nécessaires de report modal et d’abolition du dumping social en la matière.


 

 

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