HIROSHIMA ALBANAIS

Publié le par Liberté 62

 


 


Hiroshima...albanais

 

 

A la suite à d' une explosion, le samedi 15 mars 2008, d'un dépôt de munitions militaire à Gërdec, un village albanais situé près de Tirana, le Secours Populaire Français engage une action d'urgence pour venir en aide aux victimes.

Par Jérôme Skalski

 

 

En lien étroit avec le Secours Populaire de Fushë-Krujë dont le local est situé non loin du site de l'explosion, s'appuyant sur son expérience solidaire en Albanie, la Fédération du Secours Populaire Français du Pas-de-Calais s'est mise en première ligne. Après examen de la situation locale, en collaboration avec l'Association Nationale du Secours Populaire Français, une équipe de quatre personnes a été envoyé sur les lieux , du 3 au 6 avril, pour former la mission «Solidarité pour les victimes d'une explosion en Albanie».

 



Assurer, sur le long terme, un suivi et un soutien durable aux victimes de l'explosion de Gërdec

 

Dans l'urgence, le Secours Populaire Français s'engage à assurer, sur le long terme, un suivi et un soutien durable aux victimes. Pour celles de l'explosion de Gërdec , le sens et le but de son intervention demeure la même. Vingt jour après l'événement, la toute première urgence est passée. Il reste à assurer l'aide aux victimes sur le long terme. Au cours de sa mission, l'équipe du Secours Populaire aura pu constater, en rencontrant les témoins, en discutant avec ses partenaires locaux et en prenant contact avec les autorités albanaises, combien sa mission était pertinente. Au-delà de l'aide immédiatement apportée - 2 500 euros versés par la Fédération du Pas-de-Calais sur un fonds dédié aux victimes et deux valises de médicaments collectées auprès du Centre Hospitalier d'Arras remises à un hôptital albanais - , le Secours Populaire Français a pu répertorier de nombreux besoins parmi ceux réclamés par la situation. Elle a pu aussi se rendre compte du décalage existant entre sa description officielle et la réalité appréhendée sur le terrain.

 

Rencontre des habitants restés sur le site

 

Après avoir été reçue, à Tirana, par les représentants de l'Ambassade France en Albanie et par le directeur de la cellule chargée de l'urgence du Ministère de l'Intérieur albanais, partie à la rencontre des habitants restés sur le site de l'explosion, l'équipe de la mission du Secours Populaire a recueillie différents témoignages. Parmi les 4 000 civils habitant à proximité de la zone sinistrée – l'explosion a impacté directement un espace de plus de 5 kilomètres ; les médias nationaux ont évoqué un «Hiroshima albanais» - et évacués à partir du premier jour de l'explosion, 700 personnes restent à cette date réfugiés dans des bâtiments de l'armée et de l'Etat albanais à Durrës - sur la côte, à 30 kilometres de la capitale, la deuxième ville d'Albanie. Le bilan des victimes s'élève officiellement à 25 mort et 300 blessés et brûlés, beaucoup dans un état grave. Près de 2 500 maisons et bâtiments ont été détruits ou endommagés.

 

Au centre du village

 

Arrivée au centre du village après avoir parcouru la vallée de Gërdec , un berger conduit l'équipe du Secours Populaires vers ce qui reste de l’école. Une conversation s’engage. Dans cette partie du village où l’on compte près de 90 maisons, beaucoup de gens sont partis se réfugier à Durrës. D’autres sont logés par leurs familles aux alentours. Ceux qui sont encore sur place vivent sous des tentes apportées par les secours. D’autres déplacent leurs matelas vers ce qui reste de leur maison. Si quelques personnes sont revenues chez elles après avoir fuit l’explosion, c’est, pour la plupart, explique l’interlocuteur de l’équipe du Secours Populaire, pour s’occuper de leur bétail.

Dans cette partie de la vallée protégée par des collines, l’explosion a fait moins de dégâts qu’en aval - plus de 300 maisons complètement détruites. Si la plupart des murs sont debout, l’intérieur des maisons est ravagé. C’est aussi le cas de l’école de Gërdec. Les vitres brisées ne laissent apercevoir qu’un chaos de meubles brisés soufflés par l’explosion. Dans la remise de l’école comme dans certaines maisons, des obus dorment encore.

 

Dans la remise de l’école comme dans certaines maisons, des obus dorment encore

 


Dans la voix du berger, l’amertume. Les gens d’ici se sentent abandonnés. L’eau n’est pas potable. Les citernes sont endommagées. Les chemins sont détrempés et impraticables. L’aide distribuée par le gouvernement arrive à la mairie de la ville de Vöre, au-delà de la crête, trop loin. L’homme évoque l’événement. Une première explosion. La fuite des villageois. Un voisin mort après avoir reçu un éclat d’obus. Les autres explosions. En tout, quatre, dont la dernière fut la plus importante. Les hélicoptères emportant enfants et vieillards.

Au départ, l’usine de désarmement de munitions a fait travailler des gens du centre du village. Ils ont pris peur. Le travail était trop dangereux. Ils n’y sont pas retournés. Tout le monde savait qu’un accident pouvait se produire. L’usine, alors, est allé recruter son personnel ailleurs. Plus bas, plus près. Ils étaient près de 300 personnes des environs à y travailler.

Une «chance» que l’explosion se soit passée un samedi à l’heure du déjeuner. Les gens étaient chez eux. La mitraille des éclats d'obus projetée aurait fait bien plus de morts. En Albanie, il n’y a pas de classe le samedi. Une «chance» que la première explosion ait été la moins importante et que les gens aient pu se sauver et se protéger. Une «chance». Pour ce berger de Gërdec, la chose reste à voir. Une enquête officielle a été diligentée par la justice albanaise pour tirer au clair l'origine de l'explosion. Dans l’école de Gërdec dont le souffle a brisé l’ensemble des vitres, des tables, des chaises et dont les murs sont criblés d’impacts, au moment de l’explosion, il y aurait eu près de 200 enfants.

 

Vivre et reconstruire


Retournant vers l'entreé de la vallée de Gërdec, l’équipe du Secours Populaire Français rencontre les membres de plusieurs familles devant leurs maisons complètement détruites. A cet endroit, sur le versant de la vallée en face de l’usine de désarmement , le souffle de l’explosion n’a pas été atténué par la présence d’une colline. Une femme évoque l’événement. La première explosion, la stupeur, la fuite… Plusieurs membres de sa famille ont été touchés. Sa belle soeur travaillait dans l’usine. Son cousin, un enfant de six ans qui passait en vélo sur la route est mort suite à ses brûlures. Son témoignage est bouleversant.

Les personnes rencontrées confirment le témoignage recueilli au centre du village. Elles le précisent. Loin d’être des «experts» - officiellement le travail dans le dépôt de munition était effectué par des «spécialistes» - ceux qui travaillaient à l’usine étaient des habitants de la vallée ou des alentours - près de 300 personnes -, pour la plupart des paysans, lancés sur les chaînes de désamorçage de munitions sans précaution, sans protection et sans formation, à partir de 14 ans et pour l’équivalent de 8 à 10 euros par jours…

 

Après avoir travaillé pendant des années

 

Un homme, travailleur émigré en Grèce revenu sur les lieux après l'explosion, fait part à l'équipe du Secours Populaire Français de sa situation et de celles des autres familles de la vallée de Gërdec. Il a tout perdu. Après avoir travaillé pendant des années à l'étranger pour construire sa maison et nourrir sa famille, il ne lui reste rien : plus de toit, plus de meubles, plus rien. Lui et sa famille dorment dans une tente plantée aportée par les secours dans le jardin. Tous les deux ou trois jour une association caritative religieuse leur apporte de l'eau. L'aide du gouvernement arive ailleurs mais pas ici. A près de 50 ans, malade, il n'a plus la force de repartir de zéro. Le gouvernement, depuis ses bureaux de Tirana a estimé le prix de sa maison, une maison de deux étages qu'il a lui-même construite, à 6 000 euros, le prix des portes et des fenêtres. Les habitants de cette partie de la vallée de Gërdec sont dans une situation analogue. Outre leurs maisons, ils ont perdu leur gagne pain principal : les uns leur bétail, les autres leur travail à l'usine. L'aide apportée aux familles victimes pour les frais de funéraille : l'équivalent d'un peu moins de 700 euros.

Participer à la reconstruction de l’école de Gërdec. Apporter au plus vite une aide alimentaire et sanitaire aux habitants. Les aider à se remeubler et à s’équiper à nouveau et ceci en leur apportant cette aide directement, jusqu’à sa réception effective. Faire parvenir en Albanie matériel médical et véhicules d'intervention d'urgence. Apporter des pompes à eau pour drainer les sols - le drainage et l'assèchement des sols est en effet une condition indispensable au début de toute opération de reconstruction sur place. Telle sont les actions d’urgence, sur le long terme, auxquelles entend s'atteler le Secours Populaire Français à Gërdec. Il solicite matériellement, personnellement et financièrement toutes celles et tout ceux qui aspirent à s'associer à son action.

 

 

 

 

Publié dans Evénement

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