MÉMOIRE INDUSTRIELLE ET COLLECTE DES ARCHIVES

Publié le par Liberté 62

 

 


CAMT

MÉMOIRE INDUSTRIELLE ET COLLECTE DES ARCHIVES

 

Par Pierre Pirierros

 

AVEC lʼaffaire Metaleurop, la question sensible de la mémoire collective est posée avec force ; une mémoire entretenue sous lʼégide de lʼassociation “Choeurs de fondeurs”, avec une dizaine de documentaires, des livres et une bande dessinée. Dans ce paramètre, il faut mentionner lʼapport de l'archivage par un traitement scientifique confié au Centre des archives du monde du travail de Roubaix.

Une première expédition de 436 boîtes dʼarchives a déjà eu lieu et la préparation de lʼexpédition du solde se poursuit. Lʼensemble est répertorié et constitue un millier de boîtes confiées au CAMT. Les archives techniques de production des laboratoires et bureaux d'études, les dossiers de personnels, la comptabilité seront triés sur place et classés, aboutissant à la sélection et à la conservation des archives historiques. Un «château» du textile pour une usine liquidée : la symbolique illustre à merveille lʼentrée des archives de Metaleurop à Roubaix, dans lʼun des sites des Archives nationales. Archives mises à mal aujourdʼhui par une politique désastreuse et qui recueille lʼhostilité des professionnels de ce secteur déterminant dans la vie. Cʼest lʼancienne usine Motte-Bossut, en plein centre de cette ville ouvrière, qui fut choisie, pour y installer le Centre des archives du monde du travail (CAMT), dans la foulée des grands travaux dʼune ère révolue.

Roubaix, ville de brassages incroyables, accueille, depuis, tout ce qui fait la mémoire vive dʼun pays, celle de ses couches laborieuses. «Metaleurop aux Archives», non, cette expression nʼest pas à galvauder et cʼest bien la fierté de ses anciens ouvriers, techniciens, ingénieurs, syndicalistes, que dʼavoir osé braver lʼinterdit du liquidateur et dʼy collaborer avec le personnel du CAMT pour recenser toutes les années Metaleurop à Noyelles-Godault. Les fondeurs ont leur fierté. Malfidano, Penarroya, Metaleurop : événements, noms, dates et lieux ; la mémoire collective repose sur une somme énorme de faits et gestes, dʼactes, de discours et de prises de position. Lʼindividu y est au centre. Le dépôt des archives de Metaleurop Nord de Noyelles Godault aux Archives nationales est la résultante de prouesses ciblées du personnel licencié, le syndic liquidateur nʼayant donné aucune suite aux nombreuses démarches de Françoise Bosman, la directrice du CAMT. Cʼest dire, lʼimportance des archives et leur intérêt.

Après leur licenciement, les ouvriers, techniciens, ingénieurs ont retroussé leurs manches pour permettre un archivage strict, correspondant aux normes nécessaires à une bonne restitution de toute cette mémoire collective. Définir le cadre dʼune opération ambitieuse répond à lʼesprit de tous ceux qui ont institué les Archives nationales - dont les révolutionnaires de Thermidor an II. Lʼhistoire industrielle, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, a façonné des générations entières ; aujourdʼhui, perdre tous ces repères serait dommageable pour tout le monde.

 

Recensement précis

Alors le travail des ex-salariés de Metaleurop Nord avec le concours des archivistes professionnels a déjà permis le recensement et le dépôt de plus de 400 boîtes ; 400 autres sʼy ajouteront dans un proche avenir, ce qui représentera pas moins dʼun kilomètre de rayonnage dans cette institution remarquable. La majorité des anciens fondeurs est toujours sans emploi et on annonce des cités lagunaires pour remplacer un tissu industriel ancré depuis plus dʼun siècle dans le Pas-de-Calais ! La dépollution a commencé à grand fracas médiatique, des éléments déterminants dans la vie de lʼex-usine ont été détruits ; la grande cheminée a été abattue ainsi que la tour à plomb, construite en 1924, lʼune des toutes premières en béton armé en France. Sur les ruines de cette immense friche industrielle, Sita Agora sʼemploie à dépolluer avec de fortes subventions publiques à la clé. Hasard du calendrier : au moment où disparaissait la cheminée sentinelle, les salariés étaient devant les tribunaux et défendaient leur cause.

 

Désengagement

 

Lʼaffaire Metaleurop montre bien quʼun groupe puissant comme Glencore peut sʼarroger le droit de se désengager dʼun site sans que lʼÉtat ni lʼEurope ne bronchent. Des dizaines dʼentreprises soustraitantes ont disparu dans cette tourmente. Des déclarations pompeuses de toutes part ont inondé les médias, aussitôt démenties le lendemain par les faits euxmêmes.

Le titre Metaleurop est de nouveau coté au palais Brongniart à Paris. Cela fait quelque temps que la nouvelle était sur toutes les lèvres pour ceux qui suivent avec attention Metaleurop et, notamment, les membres de lʼAssociation “Choeur de fondeurs”. Cette nouvelle est à prendre comme un déni de justice sociale. La presse financière sʼen félicite en donnant un commentaire dʼépopée mythologique “Metaleurop renaît de ses cendres”. Après plusieurs décisions de justice, le tribunal de commerce de Paris avait finalement homologué fin novembre 2005 un plan de redressement par voie de continuation de Metaleurop SA, mettant fin à son redressement judiciaire et ouvrant la voie à son retour en Bourse.

 

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