LIBERTE 62 - UN CONFLIT QUI RISQUE DE S'ÉTENDRE

Publié le par Liberté 62

LA GUERRE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

UN CONFLIT QUI RISQUE DE S'ÉTENDRE

 

Depuis octobre, les combats ont repris dans le Nord Kivu, province orientale de la République démocratique du Congo, située à la frontière du Rwanda et de l'Ouganda. Ces combats ont été repris à l'initiative du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) dont le chef, Laurent Nkundi se présente comme le défenseur des tutsis congolais.

 

 

LES lieu principalement autour de Goma, la capitale du Nord Kivu. Ils sont accompagnés de violences et d'exactions inouis commis aussi bien par les rebelles que par les forces gouvernementales de l'armée régulière, selon certaines informations. Effrayés, les villageois quittent leur village. On compterait depuis le début des combats 250.000 déplacés qui se réfugient dans des camps. La faim, les maladies guettent ces immigrés de l'intérieur. On aurait signalé des cas de choléra. L'un des camps les plus importants est celui de Kibati, qui a été dispersé avec violence par les rebelles de Laurent Nkundi. L'ONU a montré son impuissance. En République démocratique du Congo, en effet, l'ONU entretient une force “de la paix”, la MONUK composée de 17.000 hommes, le contingent de l'ONU le plus élevé de la planète (coût : plus de 1 milliard de dollars). Depuis le début des combats, la MONUK se montre incapable de protéger les civils et de s'interposer entre les belligérants. L'ONU a demandé le renfort de la MONUK. L'Inde qui est le plus gros contributeur de soldats de la MONUk, après le Pakistan, se dit prête à envoyer un bataillon de Gurckas, 1200 hommes s'ajoutant aux 6000 déjà présents. Le 7 novembre, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon organisait à Naïrobi (Kenya) un sommet auquel participaient les représentants de l'Union africaine, les représentants de l'Union européenne B. Kouchner et l'anglais Mililand, Joseph Kabila président de la République démocratique du Congo et Paul Kagame, président du Rwanda. La conférence de Naïrobi a demandé le cessez le feu ainsi que le respect des accords qui avaient mis fin à la guerre civile précédente (1998- 2003) qui avait fait 4 millions de morts. Réunis en fin de la semaine dernière à Joannisbourg, les États de la SDAC (communauté de développement de l'Afrique australe) soutiennent la République démocratique du Congo, exigent un cessez le feu pour laisser passer l'aide humanitaire et envisagent d'envoyer un contingent pour aider l'armée régulière congolaise, l'Angola est déjà prête à intervenir. Le risque d'une guerre régionale apparait.

 

Pourquoi une telle situation ? L'importance du Nord Kivu et les forces en présence

 

Le Nord Kivu est une des régions les plus riches de la République démocratique du Congo (RDC) avec des ressources naturelles exportables (or, coltan, cassitinité, diamants, bois...) dont le contrôle est l'objectif tant du pouvoir congolais que des puissances voisines (Rwanda, Ouganda et Burundi). Le contrôle des zones minières et des moyens de communication est aussi l'objectif des groupes armés qui se sont assurés le contrôle d'une ou plusieurs mines et constituent une véritable mafia, commençant avec les États voisins, surtout le Rwanda.

Outre les ressources naturelles, les conflits portent aussi sur les terres. À la faveur des conflits, se sont constituées de grandes propriétés provoquant un fort mécontentement rural devant l'accroissement des inégalités sociales. Les médias attribuent les guerres aux oppositions ethniques entre les banyamulenge (tutsi) rwandophones et les huntus, anciens génocidaires du Rwanda, la dénomination tutsis et huntus, d'origine coloniale est d'ailleurs très contestée. Cette vue est très réductrice, d'une part, parce que les groupes sont beaucoup plus variés , d'autre part, quoiqu'en dise Laurent Knude, tous les banyamulanga ne se reconnaissent pas dans la formation de Laurent Knude et s'affirment congolais, partisans du gouvernement. Plus que de guerre etniques, les guerres sont d'origine sociale et politique où interviennent aussi les pays voisins, Rwanda et Ouganda, soutenus voire inspirés par les puissances occidentales, États-Unis et Union européenne. La guerre a été relancée par le CNDP de Laurent Knudi qui selon ses opposants, aurait inventé un danger menaçant les banymulenge de Kubutu. Au CNDP s'opposent l'armée régulière, les FARDC (forces armées de la République démocatique du Congo) et les milices Mai- Maï. Le Rwanda accuse par ailleurs les FDAR (forces démocratiques armées du Rwanda) d'opérer à partir de la République démocratique du Congo. Il est à remarquer que les combats ont repris en conconitance avec trois événements : la crise internationale et la baisse du prix des matières premières, la décision de la RDC de revoir les 67 droits miniers très avantageux accordés à des compagnies étrangères, la décision de juger JP Bemba par la cour internationale de justice, JP Bemba, ancien adversaire de J. Kabila à l'élection présidentielle de 2006. Il fait aussi noter que la fuite des villageois permet de s'accaparer de leurs terres.

 

La politique de la RDC et les enjeux africains et internationaux

 

Le 26 octobre 2006, J. Kabila est réélu président de la RDC avec 58% des voix contre 42 % à J.P. Bemba.

Cette réélection s'est déroulée sous la protection d'une force de l'union européenne composée en majorité de soldats français. Après une révolution qui a mis fin à la dictature de Mobutu, l'assassinat du président Laurent Désiré Kabila et l'accession au pouvoir de J. Kabila, une guerre civile principalement dans l'Est de la RDC entre 1998 et 2003 et où participaient aux côtés du gouvernement légal, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie et aux côtés des rebelles le Rwanda et l'Ouganda, le pouvoir peine à restructurer et à reconstruire l'économie et la société. D'une part les ravages commis par la guerre sont énormes. D'autre part, il existait toujours des guérillas de basse-intensigé dans les provinces de l'Est, Nord Kiru, Sud Kivu et Ituri, guerillas parfois autonomes et souvent soutenues par le Rwanda et l'Ouganda. Porté par la hausse des cours des matières premières (avant la crise) le secteur minier jouait un rôle majeur dans la reprise de l'économie de pays dont le taux de croissance a atteint 6,5% en 2007. La RDC a reçu l'aide de la banque mondiale pour la remise en état de la société nationale, la gécamines. D'une part la RDC souhaitait ouvrir son économie aux grands groupes, notamment anglosaxons. D'autre part, elle entretient des relations économiques étroites avec la Chine intéressée par les ressources naturelles et qui offre ses services pour la création et la réfection des infrastructures de communication. La reprise de la guerre risque d'anéantir ses efforts. D'autant que ces déclarations de Laurent Knude sont inquiétantes.

Dans un premier temps, il s'est déclaré défenseur des banyambenge, puis il s'est prononcé pour l'indépendance du Nord Kivu, et enfin dernièrement dans une interview à un journal belge, il s'est prononcé pour le renversement de J. Kabila. Bien qu'il s'en défende le Rwanda participe en hommes, en armes et en moyens financiers à la guérilla de L. Knude. Il a tout intérêt : le Nord Kivu exerce un attrait sur un pays surpeuplé. Surtout les richesses minières aiguisent l'appétit du Rwanda. AInsi, alors qu'il ne possède aucune mine de coltan (matière première pour la fabrication des puces des téléphones mobiles ou entrant dans la fabrication des aciers spéciaux) le Rwanda est exportateur de coltan !

Le Rwanda est soutenu par les États-Unis et surtout par le Royaume Uni. Bien que francophone, le Rwanda a introduit l'enseignement de l'anglais dans les écoles en remplacement du français. Et Paul Kagame demande l'adhésion de son pays au Commonwealth. Bien qu'apparemment unie, l'Union européenne est divisée sur cette question. Alors que la France aurait souhaité l'envoi de troupes pour renforcer la MONUK, le Royaume Uni et l'Allemagne s'y opposent. On comprend pourquoi : la France est en désaccord avec le Rwanda depuis “l'opération Turquoise” de 1994, une place prise par le Royaume Uni. Traditionnellement, les États Unis soutiennent et l'Ouganda et le Rwanda Ils ont de bons rapports avec J. Kabila mais ils voient d'un mauvais oeil le rapprochement avec la Chine. Aussi l'Union européenne s'est contentée de l'expédition de 250 millions de denrées alimentaires, B. Kouchner expliquait que la solution était d'abord diplomatique. L'ONU, le conseil de sécurité n'ont rien décidé si ce n'est la conférence de Naïrobi. Depuis, cette réunion, L. Knude a déclaré un cessez-le-feu unilatéral mais qui semble bien fragile. La volonté de paix n'est partagée ni par les uns, ni par les autres. Le gouvernement légitime de la RDC veut garder l'intégrité territoriale du pays mais les FARDC ne sont guère dociles.

 

Unité territoriale ou balkanisation

 

Au moment de la guerre précédente de 1998-2003, les États-Unis semblaient favorables au morcellement de la RCC en entités indépendantes, en somme une balkanisation du pays. Un scénario à la yougoslave était donc envisagé. Ce scénario est rejeté par l'Union africaine et surtout par les pays de la SDAC car il pourrait y avoir d'autres scénarios analogues en Afrique. On comprend ainsi les réactions et prises de position de la SDAC à la réunion de Johannesbourg.

Ce scénario est tout aussi rejeté par la majorité des congolais attachés à l'unité de leur pays où le souvenir de Patrice Lumumba, le héros de l'indépendance congolaise, assassiné sur odre des impérialistes, est toujours vivace. Quand le confit est réapparu au Nord Kivu et qu'il était évident que le MONUK laissait faire, de violentes manifestations particulièrement d'étudiants ont eu lieu devant le siège de la MONUK.

Au Congo, comme dans d'autres pays africains, le sentiment antiimpérialiste et anti-colonialiste est bien ancré.

Publié dans Monde

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