LES GRANDES MANOEUVRES D'ARCELOR MITTAL PROVOQUENT DES LICENCIEMENTS EN CASCADE

Publié le par Liberté 62

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Liberté 62 n°792 - Le 18 Janvier 2008 - 5 -
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Les grandes manoeuvres d’Arcelor Mittal provoquent des licenciements en cascade

Par Pierre Pirierros

La bataille boursière est la logique de Mittal. Le rapprochement entre Mittal Steel et Arcelor s’est fait sous les auspices d’une bataille boursière dont l'emploi, les salariés et le potentiel industriel du groupe européen ne doivent pas être, les victimes. En acceptant l'offre d'achat de Mittal, portant sur 26 milliards d'euros dont environ 8,5 milliards versés en cash, le conseil d'administration d'Arcelor s’est plié à la logique des marchés financiers. Par cette opération, Arcelor promet de confortables rentes à ses actionnaires et reporte le règlement de l'addition sur les installations productives, l'emploi et les salaires. Comment ne pas s'inquiéter des conséquences industrielles et sociales de cette guerre de capitaux quand, déjà, Arcelor supprime des milliers de poste chaque année en ne remplaçant pas les départs à la retraite et se désengage progressivement de l'Europe de l'Ouest par restructurations et fermetures de sites ?

EN reprenant Arcelor en 2006, Mittal commençait ses grandes manoeuvres. Aujourd’hui, l’entité Arcelor-Mittal, premier groupe mondial de l’acier regroupe 320 000 salariés.

Mais pour combien de temps encore ? Le Nord/Pas-de-Calais est déjà passé sous les fourches caudines avec la fermeture de l’aciérie à Ugine-Isbergues et la liquidation de Tréfileurope à Loison-sous-Lens et des restructurations dans la sidérurgie dunkerquoise. En ce début d’année, Mittal dégraisse de nouveau. C’est l’aciérie de Grandrange qui est sérieusement menacée avec 700 emplois à la clé. La demande mondiale d'acier n'a jamais été aussi forte et les bénéfices d'Arcelor-Mittal aussi élevés.

Cette constatation faite par les syndicalistes et, notamment, ceux de la CGT, résume à elle seule, toute l’ambiance sociale actuelle de ce groupe. “Si 700 emplois sont supprimés dans l'usine, ce sont 1.500 emplois de sous-traitance qui sont menacés dans la chaudronnerie, la mécanique ou les transports”, observe Marc Barthel, responsable du syndicat CGT d'Arcelor-Mittal.

Isbergues restructurait pour Mittal

Les suppressions d’emploi dans le groupe Arcelor sont monnaie courante, le couperet pour plus de 400 emplois a fonctionné à l'automne 2006 à Isbergues. La date initialement prévue était fixée à l'été 2006 mais les changements intervenus lors du rapprochement Arcelor/Mittal steel ont sans doute bouleversé les calendriers. Toujours est-il que des restructurations ont lieu dans tout le groupe. Ugine et ALZ ont fermé l'aciérie.

Depuis des années et l’annonce de la fermeture de l’aciérie, les syndicats et la CGT d’Ugine et d’ALZ du groupe Arcelor se montrent vigilants mais savent que la date butoir approche ; une convention de revitalisation du territoire a été signée en 2005 entre la préfecture du Pas-de- Calais et la direction mais on connaît par trop les limites de ce type de convention. Arcelor a lancé depuis le printemps 2003 la restructuration de sa production inox qui se traduira par un regroupement de celle-ci à Charleroi et par la fermeture progressive des sites de l'Ardoise dans le Gard et d'Isbergues.

La fermeture de l'Ardoise est déjà effective avec la suppression de 433 emplois. On sait que lorsque des postes de travail disparaissent, ils ne sont jamais remplacés et souvent l’expression “pas de licenciement sec” est une argutie de façade. L’aciérie d’Isbergues représente à elle seule une part de l’histoire industrielle de ce secteur qui a une belle chronologie de deux siècles. Isbergues représente un effectif de 1.300 personnes dont 419 sur son aciérie, cette unité est fermée ; la branche laminage à froid poursuivra sa production. Des reclassements ont été “proposés” (Desvres, Dunkerque et Charleroi) mais tous ces sites étant euxmêmes visés par des suppressions d'emplois ! Plusieurs salariés d'Ugine-Isbergues en sont déjà à leur troisième mutation, notamment Longwy vers la Normandie puis vers Ugine. Arcelor a “délocalisé” vers Isbergues une unité de distribution, Ugine ALZ, implantée en Ile-de- France à Gonesse en supprimant 135 emplois.

La stratégie d’Arcelor fait long feu ; les délocalisations comportent un revers à la médaille, le départ pour Isbergues ne serait que le prélude à une concentration de la production d'inox d'Arcelor sur les sites belges de Genk et Charleroi. Les députés communistes ont dénoncé toute cette situation lors de nombreuses questions écrites et orales à l’Assemblée nationale. Arcelor serre aussi ses coûts salariaux pour amortir les conséquences de son expansion internationale par acquisitions, notamment au Brésil où le groupe a pris le contrôle, au début de l'été 2004, de la Companhia Siderurgica de Tubarao. Chez Arcelor, l'objectif prioritaire semble pourtant de séduire les analystes boursiers en affichant des ambitions de géant mondial qui n'hésite pas à gagner des parts de marché par des opérations de croissance externe au détriment de la croissance interne. A Isbergues, le groupe Arcelor a liquidé la seule aciérie française qui produisait de l'acier inox de haute qualité avec l'aide de fonds publics européens. La future aciérie Carinox de Charleroi en Belgique va atteindre le million de tonnes mais auparavant celle d'isbergues a été complètement arrêtée. Pour la direction d'Ugine-ALZ d'Arcelor, c'est la continuité de l'activité sous d'autres cieux mais, bien sûr, pas avec le même personnel. 410 emplois sont concernés par la fermeture et la direction évite le mot licenciement mais il y aura 410 suppressions de postes de travail.

Sur les sites côtiers

Le numéro un de la Sidérurgie entend se recentrer sur ses sites côtiers - Dunkerque, Fos, Aviles en Espagne notamment - au détriment de ses implantations continentales - avec la fermeture des hauts fourneaux de Hayange et des aciéries de Sérémange et de Rombas en Moselle, ainsi que d'autres installations à Liège en Belgique et à Brême et Einsenhütenstadt en Allemagne. La direction d'Arcelor a programmé la suppression de 1000 postes au Luxembourg dans les produits longs, de 600 emplois d'ici 2006 à Sollac Lorraine, avec la fermeture à l'horizon 2009-2010 de la filière à chaud où travaillent 1100 salariés. Dans les aciers plats, des plans de “rationalisation” sont en cours à Montataire dans l'Oise - 440 emplois en moins - et à Mardyck API dans le Nord, qui font suite à la fermeture du site de Biache, dans le Pasde- Calais, intervenue en prélude à la fusion. Les capacités de production d'inox en France sont, donc, réduites d’une manière drastique avec l'arrêt de l'usine de l'Ardoise dans le Gard et la toute prochaine fermeture de l'aciérie d'Isbergues. C’est une page qui se tourne pour l’acier dans ce secteur géographique, secteur dont les spécialistes de la reconversion abordent avec beaucoup de prudence tant les dégâts en termes d’emplois rejaillissent sur toute la population. Quant à la “mobilité” (Ugo, Desvres ou Dunkerque), la formation, la conversion, c’est une toute autre affaire.

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